Un toucher emblématique

Plus l'emballage est épais, plus nous sommes prêts à débourser. Est-ce aussi simple que cela ? Charles Spence, professeur de psychologie expérimentale à l'université d'Oxford, nous explique le succès de l'emballage multisensoriel.

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Ces dernières années, l'intérêt pour le design multisensoriel appliqué aux emballages s'est fortement accru. Traditionnellement, c'était l’aspect visuel d'un emballage qui faisait l'objet de toutes les attentions. Mais les chercheurs, designers et directeurs de marketing réfléchissent de plus en plus à son toucher, à son odeur, au bruit qu'il fait quand on le manipule.

Ils cherchent à créer une signature sensorielle qui distingue le produit de ses concurrents. Pensez à la silhouette de la célèbre bouteille de Coca-Cola, ou à la forme de citron et au touché granuleux du flacon Jif. Le but ultime est d'améliorer le ressenti du produit par le consommateur.

Il est de plus en plus évident que la perception d'un produit est souvent influencée par celle de son emballage. Un des exemples les plus frappants provient d'études sur le conditionnement du vin. Les consommateurs ont en effet tendance à préférer le vin en bouteilles à bouchon à celui en bouteilles à capsule, même si des dégustations à l'aveugle ne leur permettent pas de faire la différence.

De même, le vin vendu en cubitainers leur semble différent - moins bon, en fait - que le même vin en bouteilles à bouchon de liège, même si le « cubi » est une forme d'emballage plus écologique.

L'emballage lesté, synonyme de qualité ?

Nous avons observé quantité de bouteilles de vin et pu démontrer que, plus elles sont lourdes, plus on les paie cher. En analysant plusieurs centaines de bouteilles dans une boutique d'Oxford, nous avons remarqué que, pour chaque livre supplémentaire payée, la bouteille pesait en moyenne huit grammes de plus.

Les finauds du marketing voient déjà les bénéfices potentiels à retirer du lestage des emballages pour indiquer que le produit qu'ils contiennent est de qualité. J'ai même appris que la corrélation entre prix et poids est encore plus marquée dans le cas des rouges à lèvres, un autre produit dont la taille est, du reste, relativement fixe.

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Le pouvoir du poids

Nos recherches de ces dix dernières années nous ont révélé que, lorsqu'on alourdit légèrement n'importe quel emballage, des boîtes de chocolats aux boissons pétillantes, le client considère le produit de meilleure qualité et, dans le cas des aliments, plus nourrissant.

Le poids influence même notre perception de l'odeur. Nos chercheurs ont rapporté une augmentation de 15 pour cent d'intensité olfactive pour un savon liquide présenté dans un contenant plus lourd. Pas étonnant que les parfums soient si souvent vendus dans d’épais flacons de verre !

Le défi de l'allègement

À l'heure des démarches écologiques de réduction, voire de suppression pure et simple des emballages, le défi est particulièrement intéressant pour les designers. Les recherches s’orientent donc vers d'autres éléments susceptibles de donner une illusion de poids, comme la couleur par exemple.

De nombreuses études ont ainsi montré que les objets blancs ou jaunes étaient perçus comme plus légers que des objets noirs ou rouges de poids équivalent. Cela dit, on ne sait pas encore si c'est vraiment la teinte ou plutôt le degré de saturation, qui fait la différence.

« Bien en main » : l'importance du toucher

Outre le facteur poids, nous avons tendance à préférer des objets faciles à prendre en main ou même, que nous imaginons faciles à prendre en main, à d'autres dont nous trouvons l'emballage moins attrayant ou aisé à manipuler.

Les créateurs d'emballages tirent parti de cette constatation en ajoutant ce qu'on appelle des points d'affordance, c'est-à-dire des indices sur la façon dont l'objet doit être utilisé. Ils améliorent la préhension ou ajoutent une texture, comme par exemple les petites rainures sur de nombreux déodorants à bille.

Certaines marques placent des détails importants, comme leur logo, à proximité de ces points car, lorsqu'on saisit un objet, le regard précède généralement le geste.

Chanel number five perfume bottle

Le toucher « signature » de la marque

Après le poids et les affordances de l'emballage, une autre caractéristique à prendre en compte est le toucher. Par exemple, est-il doux ou rugueux ? Suggère-t-il une matière spécifique ?

Il y a quelques années, l'emballage plastique du papier toilette Velvet (velours) a été traité pour offrir un luxueux toucher velouté. De même, Heineken a appliqué sur ses canettes de bière un revêtement tactile spécial, semblable aux gouttelettes de condensation qui apparaissent généralement sur les canettes stockées au réfrigérateur. Ainsi, les yeux fermés ou en fourrageant au fond du seau à glace, on pouvait les distinguer immédiatement de leurs concurrentes lisses.

 

Apple iPhone box

"Notons également que les étiquettes ou les blasons embossés sur les bouteilles et canettes attirent le client, qui est tenté de toucher leur relief."

Enfin, il y a la rigidité de l'emballage. Des recherches américaines nous ont appris que l'appréciation d'une boisson était différente selon qu'elle était contenue dans un récipient mou ou rigide.

Si l'on additionne ces différents facteurs, les différences combinées de poids et de rigidité peuvent expliquer pourquoi autant de gens pensent que la bière et le Coca ont meilleur goût dans un verre que dans une canette. Une expérience menée avec Andrew Barnett de Barney’s Beer pendant l’Edinburgh Science Festival a révélé que le simple fait de savoir qu'une bière avait été servie à partir d'une bouteille en verre plutôt que d'une canette suffisait à faire dire aux gens qu'elle avait meilleur goût.

Bref, il semble que le poids, la texture/le toucher, la compressibilité et la température de l'emballage aient beaucoup plus d'influence qu'on l'imagine sur la perception du produit par le client. Il est donc plus que temps d’explorer ces nouvelles pistes !

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